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Photo du rédacteurLes mots, les remèdes

5 choses à savoir à propos du mot "agriculteur"

Dernière mise à jour : 1 févr.


Champ avec balles de foin
Belles balles de foin en boule.

Actuellement en France, les agriculteurs prennent la parole et revendiquent. Mais le mot agriculteur, que nous dit-il, lui, que nous apprend-il sur cette activité professionnelle, sur ce métier ? Où il sera question de jeunesse, de poésie, de « campiculture », de soins : en somme ... de culture.



A. Histoire du mot agriculteur


Le mot agriculteur : un jeunot !

Le mot agriculteur est un mot plutôt jeune dans son emploi. Il est attesté en français à partir du XVè siècle. Cela signifie qu'avant cette date, d'autres termes étaient employés pour qualifier celui qui cultivait la terre. Citons les mots paysan (« homme du pays »), laboureur

(« homme de labeur »), fermier (« qui travaille à la ferme »), cultivateur (« homme qui cultive la terre »), apparus durant le Moyen Âge et sur lesquels nous reviendrons dans le dernier paragraphe, sans parler du vilain (« paysan libre », du latin villa, « la maison, la ferme ») et du serf (« paysan esclave ») qui nous renvoient en pleine féodalité.


De la même famille qu'agriculteur existent également, pour le qualifier, les termes agreste au XIIè et agricole au XIVè. Ils sont utilisés comme noms synonymes de paysan : un paysan, un agreste, un agricole. Aux XVIè et XVIIè siècles, le mot agriculteur remplace définitivement les substantifs agricole ou agreste jouant depuis le rôle d'adjectifs.



B. Un mot qui a gardé son sens étymologique


L'agriculteur ? Un poète, un peu fou, un peu clown ?

Le mot agriculteur signifie « qui cultive la terre ». Il vient du latin ager, « champ » et colere,

« cultiver ».


Il fait partie de ces mots qui ont gardé leur sens étymologique, c'est-à-dire celui qu'ils avaient à leur naissance (quelle que soit leur origine). Bien souvent, le sens actuel des mots diffère du sens étymologique : les mots ont une histoire, ils ont vécu dans la bouche et sous la plume de ceux qui les ont utilisés. Par exemple, le verbe délirer vient du latin delirare, de lira, « le sillon » : délirer, ce fut d'abord « sortir du sillon ». Le clown, mot repris à l'anglais, est le doublet populaire de colon, du latin colonus, « celui qui cultive à la place du propriétaire, le paysan ». Défalquer, c'est « trancher avec la faux », du latin de - + falx, « la faux ». Le vers en poésie, c'est étymologiquement un « sillon », du latin versus, verto, « je tourne » ; en effet, il y a très longtemps, on écrivait de gauche à droite puis de droite à gauche à la façon d'une charrue qui trace ses sillons en faisant des allers et retours. Cela s'appelle l'écriture boustrophédon (du grec bous, « boeuf » et strophe, « je tourne »). À la fin de cet article, un exemple de poème boustrophédon.


Que conclure de ces quelques exemples ? La chose suivante : s'il s'en tient au sens étymologique, l'agriculteur peut très bien rentrer de sa journée de travail en disant qu'il a déliré, fait le clown ou écrit un poème en vers !



C. Le radical agri -


Le radical -agri vient du latin ager, « le champ » : il sert à former les mots acre (en passant par le germanique et l'anglo-normand), agriculteur, agriculture, agricole, agreste, agronomie, agraire. Il est issu d'une racine indo-européenne *agro, « terrain de parcours par opposition aux endroits habités, campagne ».


  • L'acre, mot peu usité désormais en français, ancienne mesure agraire, valait en France 50 ares environ. Ce terme s'emploie en Grande-Bretagne et aux États-Unis pour désigner la mesure agraire (un acre anglo-saxon correspond à 40 ares).

  • La réforme agraire vise à modifier la répartition des terres.

  • Une surface agraire désigne une surface de terres cultivées.

  • L'agronome est un spécialiste de l'agronomie qui étudie scientifiquement les processus en jeu dans le domaine de l'agriculture.

  • L'adjectif agreste, d'emploi littéraire, se démarque du lot : il s'applique à la campagne, est synonyme de champêtre, mais avec l'idée, souvent, d'une campagne sauvage, rustique.


La famille de ager contre la famille de campus

Qui sait ? L'agriculteur aurait pu s'appeler « campiculteur ». En effet, campus comme ager qualifient le champ en latin. Mais si le mot latin ager désigne « le champ », puis « le domaine, le territoire », par opposition à urbs, « la ville », le mot latin campus - d'où vient le terme français champ - qualifie plutôt « la plaine » par opposition à mons, « la montagne » et, plus précisément la « plaine cultivée », mais aussi le « terrain d'actions militaires, le domaine d'action » : le latin campus a fourni des mots français aussi variés que camp, champ, champêtre, champion ou champignon. Mis à part agreste peut-être, la série de mots issus de ager est plus orientée vers le domaine économique : elle s'applique aux techniques industrielles de culture et, plus récemment, par réaction à l'emploi de produits chimiques, au retour à des méthodes plus naturelles regroupées sous l'expression agriculture biologique (du grec bio, « la vie »).



D. Le suffixe -culteur


Agriculteur, apiculteur, arboriculteur, aviculteur, horticulteur, etc.

Les suffixes -COLE, -CULTEUR et -CULTURE sont dérivés du verbe colere, « cultiver, soigner, habiter ». Ils permettent de former des ensembles de mots tous liés à des productions économiques dont la matière est animale ou végétale :


  • l'APIculteur s'occupe des abeilles (du latin apis, « l'abeille »). Il pratique l'APIculture en se livrant à cette activité APIcole ;

  • l'ARBORIculteur s'occupe des arbres (du latin arbor, « l'arbre »). Il pratique l'ARBORIculture en se livrant à cette activité ARBORIcole ;

  • l'AVIculteur s'occupe des oiseaux (du latin avis, « l'oiseau »). Il pratique l'AVIculture en se livrant à cette activité AVIcole ;

  • l'HORTIculteur s'occupe des jardins (du latin hortus, « le jardin »). Il pratique l'HORTIculture en se livrant à cette activité HORTIcole ;

  • l'OSTRÉIculteur s'occupe des huîtres (du latin ostreum issu du grec ostreon,

  • le PISCIculteur s'occupe des poissons (du latin piscis, « le poisson »). Il pratique la PISCIculture en se livrant à cette activité PISCIcole ;

  • le SÉRICIculteur élève des vers à soie pour l'obtention de cocons utilisés en filature (du latin sericum, « la soie »). Il pratique la SÉRICIculture en se livrant à cette activité SÉRICIcole ;

  • le SYLVIculteur s'occupe des forêts (du latin silva, « la forêt »). Il pratique la SYLVIculture en se livrant à cette activité SYLVIcole ;

  • le VITIculteur s'occupe de la vigne (du latin vitis, « la vigne »). Il pratique la VITIculture en se livrant à cette activité VITIcole ;

  • le CONCHYLIculteur élève des huîtres, des moules et autres coquillages (du grec konkhulion, « le coquillage »). Il pratique la CONCHYLIculture en se livrant à cette activité CONCHYLIcole ;

  • parmi les CONCHYLIculteurs se trouvent les MYTILIculteurs qui élèvent les moules (du grec mutilos, « la moule »). Il pratique la MYTILIculture en se livrant à cette activité MYTILIcole.

Etc.


L'agriculteur ? Un soigneur de la nature.

La racine col / cul est liée à l'idée de soins, qu'ils soient apportés à la terre, à des dieux ou à des hommes. Elle a servi à former le latin colere, les suffixes -culteur, -culture et -cole dont nous venons de parler , mais aussi - par exemple - le substantif colon, du latin colonus, qui désigne originellement le fermier, la colonie (du latin colonia) désignant la ferme. Certains rendent un culte à Dieu ou à un dieu. Une terre ou un homme peuvent être jugés incultes,

« non cultivés ».


Rangées de vignes.
Agriculteur viticulteur

E. Agriculteur, cultivateur, fermier ou paysan ?


Finalement, le terme agriculteur l'a emporté aujourd'hui sur les autres, sans doute parce qu'il est le plus générique : l'agriculteur est à la fois un cultivateur (et/ou un éleveur), un fermier et un paysan. Il cultive la terre, il nourrit ses bêtes ; il vit avec elles à la ferme dans son pagus, c'est-à-dire son district rural, son canton, son pays.

L'agriculteur est un cultivateur qui utilise, pour exercer son métier, des techniques souvent pensées par l'agronome. L'agriculteur cultivateur est aussi un laboureur utilisant des machines pour travailler sa terre. On utilisera plus volontiers le terme cultivateur pour préciser le domaine de culture : « cultivateur de céréales, de légumes », ..., mais aussi pour désigner une exploitation agricole de modeste dimension. On dira, sans que cela soit négatif d'ailleurs, un « petit cultivateur » plutôt qu'un « petit agriculteur ».

De nos jours, le mot fermier paraît désuet et le mot paysan, très longtemps connoté de façon péjorative, est marqué socialement et politiquement (la Confédération paysanne est le nom d'un syndicat agricole français). Toutefois, ces mots peuvent permettre de souligner le caractère authentique, sain, local du travail de l'agriculteur, fermier évoquant l'habitat concret, ses animaux et paysan le terroir : c'est pourquoi on les retrouve dans de nombreuses appellations d'enseignes ou d'exploitations.


J'espère que cet article "culturel" (en toute modestie) vous aura nourris : une tâche qu'accomplissent les agriculteurs grâce à leur travail quotidien où se mêlent labeur, technique, poésie et peut-être un grain de folie aussi ...


Comme promis un exemple de boustrophédon (voir paragraphe B). Le texte qui suit est issu du recueil Jouer avec les poètes édité à partir de 1999 en livre de poche. Il regroupe 200 poèmes-jeux inédits réunis par Jacques Charpentreau. Ce poème intitulé « Labourage » a été créé par Claudette Villia-Chantrie. Pour le déchiffrer, il faut lire le premier vers de gauche à droite comme habituellement, mais le deuxième vers de droite à gauche, etc. Vous remarquerez que les vers ont tous les quatre le même nombre de lettres et qu'ils riment.


Labourage


JADISLESBOEUFSPIQUÉSDEL'AIGUILLON

RUETNELEMLACNEEURRAHCALTNEIARIT

MAINTENANTONFONCEAVECLETRACTEUR

NOLLISUDTUOBUAROCNEENRUOTNOSIAM


Vous avez trouvé ? Bravo !


 

Ne prenez pas tout de suite la clef des champs ! Pour finir en beauté, ce questionnaire (ou quiz) : si vous avez bien lu l'article, vous n'aurez aucun mal à répondre à ces quelques questions. Elles sont faciles. N'en faites pas tout un foin : relevez le défi et amusez-vous !





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