Tout en tournant autour du thème du rêve, penchons-nous dans cet article sur quelques "margimots", ces mots bizarres par leur orthographe, leur prononciation, leur étymologie ; ces mots dont on ne sait jamais s'ils sont masculins ou féminins.
Dit-on un ou une antidote ? Comment prononcez-vous le mot carrousel ? Écrit-on cauchemar ou cauchemard et quel lien entre ce mot et le talon ? Savez-vous quelle confiserie désignaient à l'origine les confettis ?
Explorons l'univers étrange des mots en marge : ils nous réservent bien des surprises et n'ont pas fini de nous en apprendre sur nous-mêmes et sur le monde qui nous entoure.
Remarque : si vous le souhaitez, vous pouvez écouter la version enregistrée de cet article grâce au podcast « Les mots, les remèdes » en cliquant sur le lecteur ci-dessous. L'ensemble des épisodes est disponible dans la rubrique « Podcast » du menu ou bien ici.
Mauvais genre !
Masculin ? Féminin ? Franchement, concernant certains mots, nous ne savons jamais à quel genre les mettre.
On dit un antidote et un apogée.
L’antidote est un remède à un mal physique ou moral. Le rêve est parfois un antidote à une réalité trop morne ou trop difficile. Le rêve peut en effet servir à quitter un moment la terre ferme grâce au sommeil ou à l’imagination : un apogée en somme. L’apogée, mot masculin, signifie en effet littéralement « loin de la Terre » : en astronomie il désigne, au sens propre, le point de l’orbite d’un corps gravitant autour de la Terre qui est le plus éloigné de celle-ci, d’où l’idée de sommet qu’il prend au sens figuré. « Il est à l’apogée de sa carrière ».
On dit une orbite et le mot délice, employé au pluriel, est féminin.
« L’imagination m’apportait des délices infinies », écrit Gérard de Nerval dans son ouvrage Aurélia publié en 1855 dont le sous-titre est Le Rêve et la Vie et qui commence par « Le Rêve est une seconde vie ». Une orbite (du latin orbita, « ligne circulaire ») désigne soit la courbe effectuée par un corps céleste en mouvement autour d'un autre (terme astronomique), soit la cavité osseuse dans laquelle l'oeil est placé (terme anatomique), soit - au sens figuré - une sphère d'influence (« Elle gravite dans l'orbite de cet artiste célèbre »).
Utilisons ces quatre termes dans un exemple :
« Le rêve est un antidote au quotidien monotone. On peut vivre un apogée en mettant son esprit sur une des orbites de l’imagination, vivre les merveilleuses délices de l’envol vers les sphères du songe. »
Un antidote, un apogée, une orbite, des délices infinies
Bizarres, bizarres !
Des mots étranges par leur orthographe, leur prononciation ou leur étymologie.
1. Parlons d’abord prononciation. Ce manège circulaire où les sièges des passagers ont souvent la forme de chevaux de bois ou d’autres animaux ou véhicules font rêver les enfants. Son nom se prononce « carouZel » (écrit carrousel). Ayant pris le sens figuré de « succession rapide », il s’emploie beaucoup désormais sur les réseaux sociaux pour désigner une présentation en galeries : l’invitation à s’embarquer sur une sorte de manège numérique en somme. En tout cas, on prononcera le mot de la même façon : « carouZel » (toujours écrit carrousel).
2. Attention à l’orthographe du mot cauchemar. Il est vrai que le verbe de la même famille est cauchemarder, mais le nom cauchemar s’écrit sans la lettre -d à la fin. Je le sais, pour certains, cette orthographe, qui semble manquer de logique, est un vrai cauchemar !
3. Plusieurs étymologies étranges pour finir. Revenons quelques instants à ce rêve très désagréable qu’est le cauchemar. C’est un mot hybride composé du verbe à l’impératif cauche, issu de l’ancien français qui peut se traduire par « Foule au pied ! Oppresse ! » et du mot germanique mare qui désigne un fantôme (pensons au nightmare en anglais), comme si on incitait un fantôme nocturne à venir malmener le dormeur. Cauche vient du latin calcare, « fouler, presser avec le talon ». Certains spécialistes du squelette humain, qu’ils soient sportifs, médecins ou fins connaisseurs de l'anatomie humaine, font sans doute tout de suite le lien avec l’os du talon appelé calcanéum. On retrouve aussi cette racine dans l’adjectif récalcitrant, textuellement « qui refuse, résiste en jouant du talon ». Le cauchemar est un revenant qui opprime la poitrine du rêveur à coups de talon. Pas étonnant que ce soit une expérience pénible !
Terminons cette rubrique avec l’étymologie du terme confetti : le lien avec le rêve ? Aucun a priori, mais quand l'épisode de podcast, dont vous lisez ici la version écrite est paru, nous étions en pleine période de carnaval. Or, les confettis désignent les petites rondelles de papier de couleur lancées par poignée pendant cette fête - ou d’autres occasions festives, par extension. Pour les Italiens, les confettis étaient des dragées, douceurs confites - confites / confetti - dans une solution de sucre. Ce mot a été popularisé par le Carnaval de Nice à la fin du XIXè siècle. Avant d’être en papier, les confettis à lancer, et non plus à déguster, étaient de petites boulettes de plâtre colorées.
J’arrête là pour aujourd’hui ce carrousel d’informations lexicales. J’espère que vous les aurez reçues, non pas comme des cauchemars, mais comme des délices, sources de rêves, un antidote à l’ennui, des confettis de savoir lancés à la fête des mots !
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